Impossible de commencer ce CTA sans souligner ce que la période politique que nous traversons a de préoccupant pour la démocratie. Nous sortons d’une élection présidentielle qui a confirmé encore la progression du camp de l’abstention, et surtout le rejet massif du président sortant à la Réunion et dans les DROM. La verticalité de l’exercice du pouvoir, la violence du néolibéralisme qui guide la gouvernance politique depuis 5 ans sont responsables de ce triste état de fait. Plus que jamais il n’a été tant besoin de justice sociale, de reconsidération du pouvoir d’achat, de services publics !

La nomination récente de M. Pap Ndiaye à la tête du ministère de l’Éducation nationale de la jeunesse et des sports est la seule nomination à marquer une rupture ; du moins nous l’espérons. Car, sur la forme et sur le fond, l’urgence est à un changement de cap. Toutefois, les personnels de l’éducation nationale ne sauraient se contenter de symboles. Si l’œuvre de ce ministre devait se limiter à mettre à exécution la politique éducative dessinée lors de la campagne par le candidat Macron, ce serait une catastrophe pour notre système scolaire, une provocation supplémentaire à l’encontre des personnels trop longtemps ignorés et méprisés par le ministre Blanquer. Les personnels de l’Éducation nationale subissent un déclassement salarial qui chaque année accroît encore la difficulté à recruter de nouvelles·aux enseignant·es : les chiffres d’admissibilité aux concours de cette année sont tristement éloquents. Mais comment redonner le goût du métier à des jeunes en alternance que l’on maltraite dès la préparation du concours, que l’on continue de maltraiter en les affectant sur temps plein la première année ? Comme d’autres services publics, l’École publique est en souffrance. Les moyens de rentrée sont très insuffisants pour garantir des conditions correctes d’apprentissage dans les écoles, collèges et lycées.

Les réformes mal ficelées, les calendriers aberrants, les incohérences et injustices que portent Parcoursup, les injonctions pressantes à l’inclusion sans moyens dédiés, la pénibilité que subissent les personnels sociaux, de santé ou administratifs : tout ceci a considérablement abîmé le cœur de nos métiers au point que nombreux sont aujourd’hui les personnels à ne plus s’y reconnaître. Le nombre en augmentation de collègues qui envisagent une rupture conventionnelle est le triste résultat de la politique menée. En lycée, cette fin d’année finit d’user les équipes. Le temps d’apprentissage a été réduit considérablement par le calendrier de passation des enseignements de spécialité et les correcteur·rices sont elleux confronté·es aux incohérences que ces épreuves ont suscitées. Nous avons été réunies ici le lundi pour parler de l’organisation des épreuves qui commençaient le jeudi même : un peu juste en terme de temps. De nombreux·ses collègues ont reçu leur convocation très tardivement alors qu’iels devaient proposer des journées à banaliser pour leurs corrections. L’attribution de certains lots était fluctuante : le remplacement des collègues en arrêt prévu depuis longtemps (comme des congés maternité) n’ayant pas été anticipé. Et ne parlons pas des oraux de BTS avec Maurice prévus en visioconférence un jour férié en France (6 juin) au prétexte qu’à Maurice, ce n’était pas un jour férié ! Sous quel droit du travail fonctionnons-nous ?

Les PLP sont aussi particulièrement malmené·es pendant la période des examens. Le CCF a alourdi leur charge de travail, réduit les heures de cours, et leur organisation laissée à l’appréciation des directions d’établissement. Ceci génère de grosses disparités : demande d’obligation de rattrapage d’heures de cours ratées à cause d’oraux de CCF, surveillance d’écrits en même temps que l’emploi du temps complet sans paiement d’heures supplémentaires, changements d’emploi du temps des élèves sans tenir compte des dates prévues par les enseignant·es… Le mois de juin voit le début des épreuves ponctuelles, des corrections, des oraux… pour lesquelles les convocations vont se multiplier. Certain·es chef·fes d’établissement refusent de suspendre les cours ce qui entraînent des contraintes de présence en plus du reste, parfois dans des circonstances ubuesques car si le/la professeur·e est présent·e les élèves eux ne sont pas là ! Dans cette situation, certain·es collègues sont amené·es à faire bien plus que leur maxima de service sans que cela ne soit pris en compte. Il est d’autant plus dérangeant de constater que pour les épreuves de spécialités des lycées, les enseignant·es de terminale ont été dispensé·es de leurs heures de cours afin d’assurer la surveillance des épreuves. Pourquoi ce qui est possible pour les uns ne l’est pas pour les autres ? De même, alors que le Ministère a prévu la prolongation du versement de la prime pour les personnels des lycées classés antérieurement en ZEP, les enseignant·es des 2 lycées professionnels concernés n’ont toujours rien vu arriver sur leur compte. Serait-il possible que cette prime soit versée dès que possible ?

L’absence de médecin de prévention et de référent handicap a particulièrement manqué dans la gestion des personnels en difficulté. Cette année a été plus que compliquée pour nombre d’entre eux. Nous espérons que les situations les plus critiques seront traitées rapidement et qu’un fonctionnement « normal » puisse finir par se mettre en place. Pour autant, ceci n’explique pas toutes les difficultés. En effet, dans certains établissements, il existe également de nombreuses carences dans l’application des préconisations rendant les conditions de travail parfois impossibles pour certain·es collègues. Certes, une préconisation n’a pas de caractère obligatoire, mais quand son absence d’application laisse une personne en souffrance, il serait bon de s’interroger sur la bienveillance et la réelle prise en compte du handicap !

Notre académie est pilote pour le logiciel « Lien ». Nous demandons que l’expertise des infirmier·ères de terrain soit entendue ! Ce logiciel ne répond pas aux attentes de la profession et de nombreuses questions quant à sa finalité et au respect de la confidentialité des données restent sans réponses. Nous demandons le report de son déploiement national afin de pouvoir l’améliorer et que les missions et expertises des infirmier.es soient reconnues. Par ailleurs, concernant le virus de la variole du singe, des protocoles vont-ils être mis en place dans notre académie ?

Il serait important d’anticiper pour informer les équipes et les parents d’élèves qui commencent à manifester leurs inquiétudes.

Nous demandons l’abrogation des réformes des lycées et des lycées professionnels et de la réforme Parcoursup. Nous demandons aussi et sans plus attendre une revalorisation conséquente de nos salaires, avec un plan de rattrapage immédiat et sans aucune contrepartie. Nous demandons un plan d’urgence qui garantisse les moyens budgétaires et humains pour corriger les effets de la crise Covid et le retard structurel dans notre académie. Nous exigeons des écoles et des établissements scolaires à taille humaine dans notre académie. Nous exigeons que les personnels soient respectés dans leur expertise et que cessent les injonctions de toutes sortes. Plus que jamais, l’Éducation Nationale a besoin de ses agent·es en nombre suffisant et mieux payé·es.

Nous exigeons le rétablissement de toutes les CAPA et le respect du paritarisme, le respect du vote des personnels qui bientôt seront appelés à élire leurs représentant·es. Nous serons particulièrement vigilant·es quant à l’organisation rigoureuse des élections dans notre académie. Les personnels exigent que le mot de « dialogue social » cesse d’être galvaudé et que transparence et équité redeviennent les principes qui règlent opérations de carrière et de mobilité.

Loin de nous l’idée de montrer du doigt les services dont nous mesurons l’état d’épuisement et la manifeste bonne volonté. Il est clair pourtant que ces opérations requièrent un regard collégial, un examen attentif et expert, seul à même de corriger de potentielles erreurs.

C’est pourquoi, plus que jamais, nous demandons l’abrogation de la loi de transformation de la fonction publique.


Déclaration liminaire CTA du vendredi 03 juin 2022 (PDF)